Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

310 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE d’extrème jeunesse : elle paraissait n'avoir pas plus de quinze ans!.

Les charrettes étaient arrêtées au pied de l’échafaud, et l’on vit les condamnés descendre ; il y eut un moment d'attente solennel; ceux qui, haut juchés, voyaient bien, disaient :

« — Ils s’embrassent!..…. »

Ils s'embrassaient, en effet? : et si l'imagination peut suppléer au laconisme de ce seul mot laissé par les chroniqueurs, est-elle capable de se représenter l'horreur d’une telle scène? Les mains liées qui ne peuvent s’étreindre, les lèvres quitremblent sous un suprême appel d'énergie, les joues qui blémissent, les yeux qui se mouillent, les mots : adieu ! courage ! à peine murmurés... et les aides qui se bousculent, le bourreau qui prend sa place, le panier qu’on apprète, l'ordre dans lequel on se place, les supplications muettes pour le pas cédé à ceux qu'on craint de voir faiblir, l’appel des noms, les regards d’épouvante affolée échangés à la première tête qui tombe...

Ce fut un des hommes qui, d’abord, parut sur la plate-forme : il se retourna vers la foule pour saluer : en hâte il fut entouré, lié, basculé. Le couteau tomba; déjà un autre était là, puis un

4. « Enfin une autre demoiselle qui paraissait n’avoir guère plus de quinze ans. » — Rapport de Dulard à Garat. 2, Bulletin du Tribunal révolutionnaire.