Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits
374 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE
Que de projets d'avenir anéantis ! Que de bouleversements, que de ruines, quel chaos : la Révolution passa sur la société comme le soc d’une charrue dans une fourmilière.
Il fallait que cette génération fût douée d’une force d'âme peu commune, ou peut-être d’une singulière insouciance, pour se reprendre à vivre après de tels désastres : car, pour beaucoup, le cauchemar dura vingt ans et ne les quitta qu'à la Restauration. Étrange époque encore que cette renaissance du vieux monde : les gens se comptaient comme à la suite d'un naufrage : revenant qui d’exil, qui de la déportation, ils recherchaient leurs parents disparus, leurs enfants dispersés, rassemblaient les restes de leur fortune, retrouvaient leurs châleaux où vendus ou en ruines, leurs bois défrichés, leurs étangs à sec, et s’efforçaient, comme après un cyclone, à reconstituer un foyer des débris de l’ancien. Ils récriminaient peu d'ailleurs, ayant la résignation facile et prenant leur parti de la mauvaise fortune avec une indifférence qui n’était pas sans grandeur.
Il nous reste done à suivre celles des victimes de Chévetel et de Lalligand que laissait vivantes la sentence du 18 juin. Aucune famille bretonne ne se trouvait plus atteinte que celle de la Guyomarais. Le père et la mère venaient de perdre la