Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
114 CHAPITRE TROISIÈME.
prendre ce nom avec le titre royal. Un de ses premiers actes fut d'appeler d'Antraigues auprès de lui. Celui-ci put se croire un instant une sorte de premier ministre.
Il avait publié l'année précédente, au lendemain du 9 thermidor, certaines Observations qui étaient à la fois une critique de la politique européenne, surtout de la politique anglaise, et un anathème jeté, au nom des royalistes purs, aux constitutionnels de 1791, jugés pires que les jacobins. Ces sentiments exclusifs étaient ceux de Louis XUIIT, lorsqu'il prit théoriquement possession de la couronne de France. D’Anfraigques donna certainement son concours à l'élaboration du premier manifeste de Louis à ses sujets. Des corrections fort importantes de sa main existent sur un projet de ce genre émané du cabinet royal (1). Ces corrections atténuent ou suppriment certaines déclarations qu'il désapprouvait, qu'il jugeait au moins imprudentes ou inopportunes. Tout ce qu'il obtint, ce fut l'autorisation de retrancher, dans l'édition destinée à la France, les expressions de nature à blesser certains esprits; ce fut l'assurance d'un pardon individuel à ceux des régicides qui rendraient des services importants. L'ancien régime, moins les abus, tel était, d’après ce manifeste, la seule constitution possible à octroyer aux Français. D’Antraigues, sur ce point, était d'accord avec son maître, et une fois le texte définitif de la Déclaration adopté, il le commenta et le fit commenter dans des factums, des brochures où constitutionnels et jacobins étaient mis sur la même ligne, et où la royauté, se croyant près du triomphe, annonçait ses vengeances sous le nom de justice.
(1) A. F., France, vol. 639.