Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789-1790). 69

défense à cet égard le poursuivra jusqu'à la fin de sa vie. Dès lors, dans plusieurs brochures, il s’attacha à expliquer, ou plutôt à atténuer certaines assertions de son Mémoire. I soutint que le resssentiment contre les abus de pouvoir de Brienne avait égaré sa plume et outré l'expression de sa véritable pensée. Il n'avait prétendu attaquer parmi les nobles que les gens de cour; dans le présent, affirmait servir le peuple en résistant à ses caprices, el confessait avoir appris par le spectacle d'une grande assemblée ce que la méditation solitaire n'avait pu lui faire connaître (1). En définitive, il demeurait député de la noblesse, toujours prêt à se retrancher derrière les volontés de ses commettants.

D'Antraigues est en effet à l'Assemblée nationale un législateur dépaysé, ou mieux un homme d'autrefois, qui se résigne avec peine à dépouiller les apparences d'un homme nouveau. Le 3 août, lorsqu'on discute la Déclaration des droits, il essaye de faire chorus avec la majorité, il parle de la majesté du peuple et de la crainte du despotisme, de la toute-puissance de l'opinion et des lois immuables de la nature, comme si Rousseau était toujours son guide. Quelques jours après, dans une discussion de finances, il s’apitoie sur la misère publique ; et enfin le 2 septembre, ouvrant la discussion sur le veto royal, c'est par des raisons d'apparence toute démocratique qu’il défend le veto absolu. Sieyès rejetait tout veto ; d'Antraigues, d'accord cette fois avec Mirabeau, soutint courageusement le maintien absolu de la prérogative royale. Elle peut être utile, disait-il, elle défendra le

(1) Voir, entre autres, sa Lettre de Louis d'Antraiques, etc., p- 36-39, et sa lettre de septembre 1809, dans GuILHERMY, Papiers d'un émigré, p. 209.