Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
70 CHAPITRE DEUXIÈME.
peuple à l’eccasion contre la tyrannie de ses représentants. Les idées politiques d'alors n’admettaient pas, celles d'aujourd'hui admettent à peine celte possibilité d’un referendum royal. D'Antraigues fut jugé tout simplement un défenseur hypocrite du despotisme. Il suffisait, pour être considéré comme tel, de ne pas consentir à faire table rase de toutes les institutions.
On voit bien l'esprit qui l'animait, en constatant son absence à la nuit du 4 août. IL a allégué, pour l'expliquer, des raisons d'ordre très secondaire : c'était, a-t-il dit, une comédie préparée d'avance par des meneurs qui, malgré lui, firent modifier le règlement et changer brusquement le président pour arriver à leurs fins (1). Il avait pourtant son rôle tout désigné dans cette pièce ; c'était à lui de demander la suppression des États du Langquedoc. Un autre gentilhomme, le baron de Marguerittes, accomplit cette mission (2). Quant à d’Antraigues, il se tint à l'écart, d’abord pour être fidèle à son cahier, qui lui interdisait toute « adhésion par acclamation » , et ensuite pour ne pas être complice de ce qu'il jugeait être la ruine de l’ancienne constitution. L'existence politique de la noblesse, et par suite la propriété féodale, lui paraissaient un des articles fondamentaux de cette constitution; entre son maintien et la mise en action téméraire et hâtive du Contrat social, il n'hésitait plus désormais.
(1) Lettre de Louis d'Antraigues, ete., p. 65-67.
(2) Une nouvelle réunion des députés du Languedoc s’organisa encore au mois d'août. D'Antraigues, un des secrétaires, rédigea sans doute les protestations (23 août) des membres de ce club contre la commission intermédiaire des États, qui prétendait présenter au roi le cahier des doléances de la province. Il obtint gain de cause, car le roi fit savoir (3 septembre) qu’ilne recevrait aucune députation des Etats.