Variétés révolutionnaires

LES ORATEURS DE LA CONSTITUANTE 119

IL

Mirabeau fut l'une des plus étonnantes incarnations de l’orateur. Poussant à l'extrême les qualités et les vices, emporté par un tempérament indomptable, il montra dès l'adolescence un goût passionné pour les affaires publiques. Ses connaissances étaient universelles, grâce à une mémoire prodigieuse exercée par la lecture pendant de longues années de captivité. Nul ne fut mieux préparé à la vie parlementañe : on retrouve la forme oratoire dans ses pamphlets, ses libelles, et jusque dans ses lettres à Sophie. Lors de son procès avec sa femme, en juin 1783, il prononça une merveilleuse plaidoirie qui émut même son père, le terrible marquis, en dépit de ses préventions obstinées. Aussi la Révolution trouva-t-elle Mirabeau tout armé pour la lutte avec un génie surexcité par ses souffrances personnelles et un orgueil exaspéré par le dédain des hommes de sa caste L’illustre déclassé se posa en adversaire d'un ordre social qui l'avait méconnu ; ce n'était pas cependant un novateur à outrance, un métaphysicien ; il croyait peu aux idées révolutionnaires et son mépris originel pour la démocratie était soigneusemententretenu dans son entourage par Dumont et ses pédants genevois, surtout par le comte de la Marck, un étranger député au Parlement français en vertu d'un vieux droit féodal, l'âme du