Variétés révolutionnaires

LUCIEN BONAPARTE 313

pagne ; le colonel Tung a dû combler les lacunes au moyen de lettres et autres documents inédits. La cour espagnole, avec son étiquette sévère cachant mal des scandales invétérés, était un terrain dangereux pour les débuts d’un diplomate de vingt-six ans, un peu écervelé. Charles IV passait ses journées à la chasse, aux courses de taureaux, où dans ses écuries ; la reine Marie-Louise, en dépit de ses quarante-sept aus sonnés, subissait toujours la domination du premier ministre Manuel Godoï et se soumettait sans se plaindre aux favoris de bas étage, comme le majordome Mello, par qui le toutpuissant prince de la Paix, un peu las, se faisait suppléer, tandis qu'il ne craignait pas lui-même de distribuer ses faveurs aux dames de la cour, dans le palais, sous les yeux de la reine, sur laquelle il avait su prendre une inébranlable autorité. Lucien apprit à faire la révérence pour présenter ses lettres de créance à Charles IV. Les premières semaines de son séjour en Espagne furent marquées par la plus singulière aventure du monde. Bonaparte avait envoyé à la reine Marie-Louise trentesix robes sous l’escorte de la citoyenne Minette, la modiste la plus distinguée de Paris. L’ambassadeur français, chargé d'offrir lui-mème ces élégants articles d'exportation, s’aperçut que la citoyenne Minette avait, sous le couvert de l'ambassade, introduit une quinzaine de ballots supplémentaires. I voulut protester et exiger le payement des droits de douane pour les colis frauduleux. Scène de pleurs 18