Variétés révolutionnaires

LUCIEN BONAPARTE 317 situation politique s'obscurcissait en France. Le Premier Consul rencontrait de l'opposition dans le tribunat ; il fit entrer Lucien dans cette assemblée pour y avoir un agent dévoué. Dans ce passage de ses Mémoires, le prince de Canino pose visiblement pour la postérité en affectant après coup des principes ultrarépublicains, blâmant l'ambition criminelle de son frère, vantant les mérites de la République consulaire issue du 18 brumaire, niant avec force protestations que l'empire aït son origine dans ce coup d'Etat auquel il avait pris une si large part. L'ambassadeur à Madrid, par le traité de Saint-Ildefonse, « le plus beau fleuron de sa couronne diplomatique », avait obtenu de l'Espagne la rétrocession de la Louisiane, abandonnée par Louis XV en 1763, comme l'Inde et le Canada. Quelle ne fut pas sa surprise quand il vit le Premier Consul, qui paraissait tant tenir à cette colonie, manifester l'intention de la vendre aux Américains ! Bonaparte recevait un jour Joseph et son frère dans un de ces bains parfumés d'eau de Cologne où il cherchait à calmer l'irritation chronique de sa peau. Dès que le Premier Consul aborda la question de la vente de la Louisiane, Joseph, naturellement violent, s'emporta, affirmant que jamais le tribunat ne ratifierait ce marché funeste pour la France. Bonaparte, peu habitué à la contradiction, se léva tout nu, déclarant qu'il se passerait de l'avis du Parlement. Dans son animation, il glissa au fond de la baignoire et tomba en éclaboussant ses frères. Le valet de

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