Variétés révolutionnaires

LUCIEN BONAPARTE 321

trait un mariage renversant tous ses plans d'alliance avec les Bourbons d'Espagne et la reine d'Etrurie, « une femme si propre ». La scène entre Murat en grand uniforme et son beau-frère réveillé en chemise de nuit, un madras noué autour de la tète, est un morceau du plus haut comique. L’ex-madame Jouberthon écoutait le dialogue du fond de l’alcôve.

Quelques heures après la visite nocturne de Murat, un second ambassadeur se présentait chez Lucien au nom de Napoléon. C'était le consul Cambacérès, tout empanaché dans son costume de cérémonie. Ce « majestueux mannequin» crevant de morgue, avec des périphrases fort spirituellementnotées dans les Mémoires, venait pour signifier au mari de là belle Jouberthon la prétention du Bonaparte à ne laisser entrer dans la famille « consulaire » que des personnes agréées au préalable par lui, et pour indiquer à Lucien les vices de forme de son mariage ainsi que les moyens de nullité à faire valoir. L'ancien ambassadeur à Madrid n'était pas en veine de soumission. Il mit le majestueux Cambacérès à la porte avec tous ses panaches. La rupture entre les deux frères devenait dès lors inévitable. Elle fut même hâtée par une ovation faite à Lucien et à sa femme par le public parisien, au Théâtre-Wrançais, un soir où Mlle Georges, alors suppléante en titre de Joséphine, débutait dans le rôle d'Idamé de l'Orphelin de la Chine.