Variétés révolutionnaires

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12 VARIÉTÉS RÉVOLUTIONNAIRES

le Gascon des bords du Rhône, entretenu en demisolde par l'éditeur Panckouke, paré de son titre de comte fantastique, vécut de la vie de bohème, colportant ses bons mots, courant les ruelles et les salons, et envoyant de temps en temps une épigramme ou un madrigal au Mercure. De cette période, il nous reste peu de chose. En 1782 seulement, ce causeur infatigable se décida à prendre la plume, « triste accoucheuse de l'esprit, avec son long bec affilé et criard », pour publier une lettre sur le poème des Jardins, pamphlet dirigé contre Delille, très en vogue à cette époque, et un opuscule sur les aérostats. C’est alors que Rivarol se maria avec la fille d’un maitre d'anglais, Henriette

. Mather-Flint, bas-bleu de figure agréable. Le jeune

ménage ne vécut pas longtemps en bonne intelligence, et Rivarol, habitué à prélever la dime sur la part d'autrui, se dégoûta bien vite de sa moitié, qui, pour comble de malheur, s'obstinait à rester honnête, comme la femme du neveu de Rameau. Il se décida enfin à l’abandonner, et cet injustifiable abandon fut pendant toute la vie du pamphlétaire le thème facile des épigrammes de ses ennemis, d'autant plus que l'Académie française en accordant un prix de vertu à une servante qui avait nourri l'épouse délaissée, attira l'attention publique sur cette triste aventure. C’est de 1783 à 1788 que Rivarol ayant brisé sa chaîne, allégé de tout devoir, jeta les fondements de sa renommée littéraire. Il composa pour l'Académie de Berlin un Discours