Variétés révolutionnaires

14 VARIÉTÉS RÉVOLUTIONNAIRES

donne libre carrière sous prétexte de giboyer aux sots. Les mots enfiellés de l'Almanach, enchérissant sur les méchants propos de salon, indisposèrent quelques victimes du spirituel maitre à chanter. Mais le pseudo comte se garda bien de leur rendre raison de ses insultes. Il délégua ce soin à son frère Claude-François, le garde du corps, un bretteur émérite, et à son collaborateur, à son « clair de lune », Champcenetz. « Je fais des épigrammes, disait-il, et Champcenetz se bat. » A défaut des Rivarols problématiques d'outre-monts, le fils de l’aubergiste de Bagnols était bien le digne héritier de Panurge, ne craignant rien, sauf les coups. Cette prudence élevée à la hauteur d’un système contribua peu à accoiître la considération du pamphlétaire, à qui ses victimes, soutenues par le public qui aime parfois à mépriser ceux qui le font rire, rendirent avec usure ses piqüres empoisonnées. Aussi, pour donner le change à l'opinion et faire oublier ses diffamations, jugea-t-il à propos de se livrer à un travail plus littéraire. Il publia en 1788 deux lettres à Necker en réponse à l'ouvrage du philosophe genevois sur l’Importance des opinions religieuses. Ces lettres dépassent de beaucoup la portée ordinaire de Rivarol, et attestent chez lui, en même temps que la verve critique et l'art de polémique dont il avait déjà fait preuve, une puissance et une hardiesse d'idées que ses précédents ouvrages ne permettaient pas de soupçonner. L’auteur de l'Almanach des grands hommes, en fidèle