Variétés révolutionnaires

78 VARIÉTÉS RÉVOLUTIONNAIRES

Rivarol se trouvait dans son élémeñt. Il pouvait sous le voile de l’anonyme, manier l'épigramme et jouer de la calomnie. Il ne s’en fit pas faute, et ses anciens ennemis littéraires ou personnels apprirent à leurs dépens que le pamphlétaire languedocien avait la mémoire bonne et la dent dure. L'’académicien de Berlin se vengea à loisir des femmes qui -s'étaient montrées cruelles pour lui et des hommes qui avaient insuffisamment apprécié ses feux d'artifice de salon. La publication des Actes dura deux ans. Jamais plus d'esprit ne fut dépensé à une besogne plus répugnante. Mais l'esprit ne saurait être une circonstance atténuante pour les chevaliers d'industrie de la politique et les coupe-jarrets de la littérature. La cour elle-même s'aperçut du discrédit que faisaient peser sur elle ses défenseurs compromettants. En 1791, la cassette cessa sa subvention ; les « apôtres » qui ne travaillaient pas seulement pour l'honneur et qui, suivant l'expression d'Elysée Loustallot, recherchaient à la fois la gloire et la soupe, se dispersèrent. Rivarol passa encore quelques mois à Paris; mais les boudoirs et les restaurants se fermaient, de nombreux salons lui refusaient leurs portes. Comme le fils de l'aubergiste de Bagnols ne comprenait guère la patrie en dehors des salons, des restaurants et des boudoirs, il émigra en juin 1792, sans enthousiasme mais sans regret.