Variétés révolutionnaires

90 VARIÉTÉS RÉVOLUTIONNAIRES

C'était un gentilhomme gascon, de vieille noblesse, âgé alors de quarante ans, marié mais séparé de sa femme, homme de plaisir ayant le goût des arts, attaché d’abord aux affaires étrangéres, puis intéressé aux fournitures de la flotte et de l’armée, spirituel, répandu dans la meilleure société, complaisant en titre du maréchal de Richelieu et séducteur de profession. Il tirait volontiers bénéfice de ses conquêtes amoureuses ; mais le dix-huitième siècle n'avait pas sur ce point nos délicatesses. Jean, le « Roué », comme on l'appelait en souvenir des héros de la Régence, mit sa maitresse dans ses meubles ; la mère Rançon faisait le ménage. Les inspecteurs de M. de Sartines, parlant de Jeanne en leur Journal, ne la confondent pas avec les filles de trottoir ; ils lui trouvent « un air noble » et ajoutent : « Le sieur Du Barry cherche à la brocanter avantageusement. » Dans leur salon de la rue de la Jussienne, Jean et sa maîtresse recevaient une société polie et distinguée. Des gens de lettres estimés, comme Collé et Crébillon fils, y coudoyaient le prince de Ligne, les dues de Duras, de Richelieu et de Fitz-James. Cette existence dura quatre ans. Comment la maîtresse de Jean Du Barry fût-elle remarquée par le roi ? On a dit et on répète que son amant, d'accord avec elle, la proposa à Lebel, le valet de chambre pourvoyeur du Parc aux Cerfs. Les témoignages les plus sûrs établissent au contraire que le hasard seul d’une course d’affaires à Versailles plaça