Entre slaves

58 ENTRE SLAVES

Prince avait confié le pouvoir en montant sur le trône, élaient des individualités que les procédés russes froissaient d'autant plus qu'un long séjour à l'étranger les avait tant soit peu déslavisés.

Natchevitch, travailleur tenace, esprit renfermé, sérieux, pratique, assez sensible et ne pardonnant pas facilement les dédains et les petites humiliations, avait passé une dizaine d'années à Vienne ou à Bucharest. Il était attaché pendant la guerre de 1878 au grand état-major russe, et n'avait rapporté de sa fréquentation des officiers que la crainte du régime militaire russe. Grécoff, un avocat, élevéen Roumanie, très retors et plein de ressources dans la lutte sourde contre l'influence russe. Storloff, le plus jeune, arrivait de Paris et d’Heidelberg, imbu d'idées occidentales. Ces trois personnages représentaient, au milieu des Bulgares, l'élément européen. Aucun d'eux n'avait mis les pieds en Russie. Ils ne connaissaient pas les. Russes, comme leurs adversaires les libéraux qui, pour la plupart, sortaient de quelque école d'Odessa ou de Moscou. Leur antagonisme russophile ne se déclara pas tout de suite; ils marchèrent, au lendemain de la création de la Principauté, sincèrement avec les généraux et agents russes, qu'ils considéraient réellement comme les sauveurs et les créateurs de leur nouvelle patrie — mais, au contact, ils s’aperçurent que des divergences d'idées sur la façon de gouverner le pays les séparaient de plus en plus.