Étude sur les idées politiques de Mirabeau

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l'Angleterre, maisil trouve que l’on peut faire mieux qu'elle. « C’est une nation, reconnaît-il, qui nous a devancés de deux siècles dans la carrière de la liberté et que nous aurons la gloire d’avoir surpassée en un an!. » Il lui envie son gouvernement, quoiqu'il le trouve fondé sur de mauvaises bases. « Si nous avions conservé nos états généraux, ainsi que les Anglais, nous aurions peutêtre gardé la plus vicieuse représentation. Mais au moins la nation serait mise en possession de ses droits, le tiers état ne serait plus le dernier ordre; il serait le pouvoir législatif sous le nom de communes de France?. »

Dans sa lettre au roi de Prusse, il engage ce prince à imiter l'Angleterre « faite pour étonner l’univers, faite surtout pour étonner l'esprit humain, en lui dévoilant les ressources infinies d’une confiance au moyen de laquelle on fait tout concourir 5. » Les Anglais sont pour lui le peuple le plus sympathique de l'Europe. Même pendant la guerre d'Amérique il ne leur en veut pas. « Ce ne sont pas les libres Anglais, écrit-il alors, mais les ministres, qui veulent établir le despotisme qui condamne les Américains{. » Il admire le plus grand nombre de leurs institutions, surtout leur loi de Aabeas corpus, le jury, l'égalité de la justice pour tous, la liberté de la presse5. Mais cette admiration ne l’aveugle pas sur d’autres défauts de la Constitution britannique. Il ne la considère pas, avec Montesquieu, comme le chefd'œuvre de la politique humaines.

Le comte de La Marck prétend que Mirabeau enviait à l’Angleterre son système mixte de monarchie, d’aristocratie et de démocratie’. Cela n’est pas juste. Mirabeau ne voulait pas d’une balance des trois pouvoirs. Il partageait sur ce point les doctrines des physiocrates au milieu desquels il était né. Cette secte économiste qui comptait, parmi ses adhérents les plus distingués, le ministre Turgot et le marquis de Mirabeau, père de l’orateur, a exercé sur ses opinions une certaine influence. À part les boutades qu’il lance contre les physiocrates dans les jours de mauvaise

1. Courrier de Provence, v. VI, p. 113.

2. Lettres à Mauvillon, p. 432 (1788).

3. Histoire de la cour de Berlin, p. 442 (dans la collection Merilhou, Œuvres de Mirabeau, Paris, 1825, in-8). . Avis aux Hessois (1777), dans les Œuvres de Mirabeau (1821), v. V, p. 7. . Lettres de cachet, t. TI, p. 207 et 351; t. II, p. 148 et 183. . Ibid., t. I, p. 207. . La Marck, v. I, p. 140.

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