Étude sur les idées politiques de Mirabeau

40 F. DECRUE.

être exercée, dans un grand pays, que par un seul « disposant des forces de l'empire et agissant continuellement sur le peuplet. »

Eût-il manqué de sentiments royalistes, Mirabeau aurait cherché quand même à composer avec l'héritage du passé. Il est opportuniste, pour ainsi dire. Il sait qu’au moment où la Révolution éclate, les Français tiennent presque tous à leur roi’. « Dans son travail de réformes, observe Mirabeau, l’Assemblée emploie d'anciennes pièces quand elles sont bonnes : ainsi le roi de France, ses droits étaient sacrés, sa personne est chère, la Constitution le couronne une seconde fois5. » Est-il besoin de rappeler ici toutes ses déclarations royalistes? Certains accès d'irritation contre le Pouvoir ne sauraient en atténuer l’importance. Partout on le voit protester de son dévouement à la royauté, non seulement dans sa correspondance avec la cour, ce qui est naturel, mais avant même qu'il soit en relations avec elle, dans ses premiers écrits, et enfin en plein jour, à la tribune publique. Quand la monarchie est menacée, il la croit plus que jamais nécessaire. « La Constitution, écrit-il au ministre, doit la défendre contre l'aristocratie, la démocratie, l'anarchie qu’elle subira pour avoir été trop absolue‘. »

C'est en défenseur de la monarchie qu’il se pose dès le principe. Il rend solidaires de ses sentiments ceux mêmes qui préparent la Révolution. À la veille de la prise de la Bastille, lorsque les passions sont en pleine fermentation, il conduit une députation de l’Assemblée au roi et lui dit : « Toujours prêts à vous obéir, Sire, parce que vous commandez au nom des lois, notre fidélité est sans bornes comme sans atteinte. ÿ Mais la Révolution marche trop vite; elle court à la République, Mirabeau veut remonter le courant”. « Le rétablissement de l'autorité légitime du roi est le premier besoin de la France, écrit-il alors, et l’unique moyen de la sauvers. » Il défendra, tout à la fois contre les aristocrates et les factieux, ce pouvoir du roi, « partie essentielle de la Consti-

1. Discours du 1* septembre 1789. Courrier de Provence, n° 35, p. 6.

2. Dumont, p. 210.

3. Courrier de Provence, n° 62, v. IV, p. 5. — 4 novembre 1789.

4. Lettre à M. de Montmorin, ?8 décembre 1788, dans la Corr. MirabeauLa Marck, v. I, p. 340-341.

5. Ibid., v. I, p. 178.

6. Adresse au roi du 9 juillet 1789. Archives parlementaires, p. 211.

7. Corr. Mirabeau-La Marck, v. IL, p. 317-327.

8. 1bid., v. Il, p. 11.