Étude sur les idées politiques de Mirabeau

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de prendre parmi eux ses ministres. C’est justice, tout d’abord, que de rendre compatibles les fonctions de ministre et celles de député; puis l'élection populaire doit guider le choïx du monarque dans la constitution du Cabinet?. Toutes ces idées sur le droit consultatif des ministres à l’Assemblée, sur la compatibilité de leurs fonctions avec celles de représentant du peuple, sont admises de nos jours. Mais, quand Mirabeau les énonça, il fut soupçonné de le faire dans des intentions intéressées et sa motion fut rejetée par l’Assemblée.

Tout en soutenant qu’un ministre peut devenir député, Mirabeau n’en cherche pas moins à soustraire les députés à l'influence ministérielle. Un fonctionnaire de l'État, nommé député, peut conserver son emploif. Au contraire, un député reçoit-il une charge du gouvernement, un commandement militaire, par exemple, il doit se présenter de nouveau aux suffrages des électeurs et même renoncer à son premier mandat. Celui qu'il vient de recevoir du gouvernement le rend encore plus dépendant du pouvoir qu'un ministre ne peut l'être.

Si Mirabeau se contredit parfois dans le détail des attributions qu’il laisse aux ministres, il ne varie jamais sur l’ensemble des droits qu’il leur reconnaît. À eux appartient en premier lieu l'administration générale des affaires. L’essence même du pouvoir royal n’est autre que le pouvoir exécutif. Le roi accomplit les volontés du peuple exprimées par l’Assemblée nationale ou Corps législatif5. « La seule autorité qu’il soit impossible d’arracher au monarque, dit Mirabeau déjà dans ses Lettres de cachet, c'est celle de la loi agissante?. » Préposé à l'observation de la loi, le roi la promulgue et la fait respecter. Ce devoir implique la nècessité d’un gouvernement solidement établi ; aussi Mirabeau déploiet-il toutes ses forces à la tribune pour en défendre l’autorité, sauf

1. Discours du 27 octobre et du 7 novembre 1789. Courrier de Provence, ne 41, p. 2.

2. Discours du 7 novembre 1789.

3. Par le décret du 7 novembre 1789. Mirabeau chercha à le faire révoquer. Courrier de Provence, n° 63, p. 5 et 7; n°82, p. 10; n° 97, p. 23 et 24; vol. VI, p. 66, 573 à 594; v. VIL p. 154, Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 429; v.Il, p. 178 et 179. Cf. Taine, v. I, p. 175.

4. Discours du 2? décembre 1789 (Moniteur).

5. Courrier de Provence, n° 82, p. 8 et 9; v. VI, p. 66.

6. Ibid., v. VIIL, p. 142.

7, Lettres de cachet, t. I, p. 107.