Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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ment que sur les philosophes politiques. Il le déclara en termes assez clairs à Condorcet : « Conversation après souper avec Condorcet, sur les principes des économistes. Je lui dis, ce qui est vrai, que j'ai adopté ces principes pris dans les livres mais que j'en ai changé depuis, par suite d’une meilleure connaissance des affaires humaines et de plus mûres réflexions !. »

D'après cela, on verra sans étonnement comment il apprécie Sieyès. « L'abbé Sieyès est là (chez Mme de Staël) et disserte avec beaucoup de suflisance sur le gouvernement, méprisant tout ce qui a élé dit ou chanté avant lui sur ce sujet et Mme dit que ses écrits et opinions marqueront une nouvelle ère dans la science politique, comme ceux de Newton dans la physique ?. »

Il est moins tendre encore pour ceux de ses compatriotes qui ont adopté les mêmes doctrines. Non seulement il méprise Thomas Paine, qu'il considère comme un fou et un ivrogne * ; Jellerson est, à ses yeux, un pauvre politique parce qu'il est infecté de ces idées. Il note cela dès le mois de juin 1789: « Cette après-midi je vais voir M. Jefferson. Nous avons une conversation politique. Il parait n’avoir plus d’espoir que les États généraux fassent quelque chose de bon. Cela vient de l'attente trop sanguine d’une forme de gouvernement vraiment républicaine *. » En 1803, lorsque Jefferson est devenu président des Etats-Unis, il accentue son jugement: « Sa foi n’est pas comme un grain de moutarde ; elle a la taille d'un potiron ; si bien que, si la foi, grain de moutarde, peut seulement soulever les montagnes, lui n'éprouve aucune difficulté à les avaler. Il croit, par exemple, à la perfectibilité de l’homme à la sagesse des foules, à la modération des Jacobins. Il croit au paiement des dettes par la diminulion du revenu, à la défense du territoire par la réduction des armées, à la revendication des droits par l'envoi d’ambassadeurs *. »

I, p. 372. — 2. T. IL, p. 376.

I, p. 286, 403, 515 ; €. IT, p. 48.

I, p. 96. C’est le début du passage cité ci-dessus, p. 16. Ip 497