Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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Une autre fois il relève plus vertement M. de Nadaillac, qui d'ailleurs l'avait bien mérité: « Je rends visite à Mme de Nadaillac, chez qui je suis entrainé dans une altercation un peu vive avec Monsieur, qui, entre autres conceptions ridicules de la folie aristocratique, émet un vœu pour le démembrement de la France !. » Voici encore les réflexions que lui inspire un autre milieu monarchique et aristocratique, celui de Berlin en 1597: « Au sujet du Prince Henri (de Prusse) il (Smittau) donne comme un rare phénomène ce fait que cet homme, le plus despotique qu'il y ait sur terre, à la fois dans son tempérament et dans sa conduite, serait un admirateur enthousiaste du système d'égalité français. Cela prouve que mon ami Smittau n’a pas éludié la nature humaine. Aussi loin qu'a porté mon observation, le cas qu’il considère comme rare est le plus commun ; et, en effet, l'orgueil et l’impatience de tout contrôle, qui poussent le sujet à la rébellion, conduisent le souyerain à la tyrannie. Plus séra grande l'élévation d’un mauvais sujet de cette espèce, et plus il approchera du trône, plus son tempérament se révélera par la haine de ceux qui sont au-dessus de lui et l'oppression de ceux qui sont au-dessous: Burke, parlant des gouvernements dans lesquels prévaut l'esclavage domestique, a justement observé quelque part « que l'habitude de la domination vient en aide à l'esprit de liberté, le fortifie et le rend invincible ?. »

VI

D'ailleurs Morris, qui est un bon observateur, dès les premiers temps de son séjour en France, constate et signale dans les salons, parmi la noblesse, chez les gens éclairés et raflinés qu'il fréquente, un fort élément républicain et démocralique. Le 5 mars 1789 il va à Versailles en compagnie de Jefferson : « Retourné à Paris et diné avec Mme de Tessé — répu-

1. D. I, p. 398.— 2. T. IL, p. 28r.