Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

66 GOUVERNEUR MORRIS

forme de gouvernement républicaine, ce qui devient très à la mode. J'essaie de lui montrer la folie de cette entreprise, mais j'aurais mieux fait de mettre la chose de côté. Je vais de là chez Mme de Guibert, où la conversation est à la hauteur de l'esprit Jacobin. De là chez Mme de Laborde : elle se plaint beaucoup du parti républicain et me demande pourquoi je ne fais pas connaître mes sentiments. Je lui dis qu'ils ne seraient d'aucun poids, ce qui est vrai!. » Le 6 août 1791 : « Parti à Auteuil pour voir Mme Helvétius. La société est une démocratie de fous furieux. La Constitution est aujourd’hui le sujet général de la conversation, à laquelle je prends le moins de part possible?. »

Ces constatations permettent de trouver trop absolue cette proposition par laquelle M. Aulard ouvre son Histoire politique de la Révolution française : « Un premier fait, dit-il, et il est considérable, c'est qu'en 1789, au moment de la convocation des États généraux, il n'y avait pas en France de parti républicain *. » Il est vrai que notre savant collègue complète sa première proposition par deux autres. La seconde « c'est qu'il s'était formé chez les Français. qui ne voulaient pas de la République, un état d'esprit qui s'exprimait par des paroles et des attitudes républicaines“ » et la troisième que les idées démocratiques étaient déjà répandues et que « même la démocratie se popularisera avant la République’. » Nous sommes bien près de nous entendre avec celui qui parle ainsi ; il faut cependant aller un peu plus loin. Morris, qui s'y connaissait sans doute en fait d'idées républicaines, constate l'existence d’un parti républicain, et il n’est pas le seul qui se serve alors de ce qualificatif. Non seulement sous le règne de Louis XVI et avant 1789, mais déjà sous le règne de Louis XV, les tenants convaincus de la monarchie traditionnelle et de l’ancien régime parlent souvent des républicains. Il est vrai qu'ils appellent ainsi tous ceux qui veulent faire participer la nation à l'exercice de la souveraineté; tous ceux, à plus forte raison, qui proclament la souveraineté nationale, et non pas seulement ceux qui ne voudraient plus de roi:

1. TT, p. ho. — 2. TL, p. 44e — 8. P. 2.— 4. P. 9. — 5. P. 28.