Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES IDÉES DE GOUVERNEUR MORRIS SUR LA FRANCE y:

démique. Chamfort lui fit d'abord des compliments de condoléance sur sa déconvenue électorale. « Mais, ajouta-t-il, on fait bien de vous réserver à une autre législature. Excellent pour édifier, vous ne valez rien pour détruire. » Marmontel dressa l'oreille à ces mots : « Eh ! oui, reprend Chamfort, les réparations entrainent souvent des ruines ; en attaquant un vieux mur on ne peut pas répondre qu'il n'écroule sous le marteau, et, franchement, ici l'édifice est si délabré que je ne serais pas étonné qu'il fallüt le démolir de fond en comble... Vous désoleriez-vous de ne plus entendre parler d’éminences, ni de grandeurs, ni de titres, ni d'armoieries, ni de noblesse, ni de roture, ni de haut, ni de bas clergé? »

Marmontel proteste, assurant que tel n'est certainement pas le vœu de la nation. « Bon, reprit-il, la nation sait-elle ce qu’elle veut ? On lui fera vouloir et on lui fera dire ce qu'elle n’a jamais pensé... Après tout, c ‘est son bien que l’on veut faire à son insu ; car, mon ami, ni votre vieux régime, ni votre culte, ni vos mœurs, ni toutes vos antiquailles de préjugés ne méritent qu'on les ménage. Tout cela fait honte et pitié à un siècle comme le nôtre et, pour tracer un nouveau plan, on a toute raison de vouloir faire place nette. Place nette! insistai-je. Et le trône? Et l'autel ? — Et le trône, et l’autel, dit-il, tomberont ensemble ; ce sont deux arcs-boutants appuyés l'un par l’autre; et, que l’un des deux soit brisé, l’autre va fléchir. »

Chamfort, « ami et confident deMlirabeau, l’un des chefs de la faction », lui livra aussi le plan de son parti. Il reposait essentiellement « sur le caractère du roi, si éloigné de toutes violences qu'on le croyait pusillanime », sur l’état du . clergé où l’on ne trouvait «que quelques vertus sans talents et quelques talents dégradés et déshonorés par des vices » ; sur l’abaissement de la haute noblesse « que l’on disoit dégénérée et dans laquelle peu de grands caractères soutenoïent l'éclat d’un grand nom »; sur l'avenir du tiers état, uni de vues et d’ambitions, plein de talents et de forces neuves. Il annoncat enfin, comme une vaste conspiration formée dans toute la France et prête à éclater : « Un long amas d'impatience et d’indignation avoit formé comme un orage et cet orage étoit