Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

294 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

« à la victoire de la vérité par les seules armes de la discus« sion et de la liberté". »

A côté de ces deux maïtres de la parole, le prince de Broglie et le comte de Falloux dans le Correspondant ; Edouard Laboulaye et Ad. Frank au collège de France ; Edgar Quinetet de Rémusat dans la Revue des Deux-Mondes ; Armand Bertin et de Sacy, dans les Débats ; de Riancey, dans l'Union, l'abbé Michon, dans la Presse religieuse ; L. Jourdan et Eugène Pelletan, dans le Siècle, tenaient tête à l'Univers et aux partisans de la servitude byzantine ?.

Mais, dans les premières années de l'empire, on pourrait dire que la libre pensée de la France avait passé à l’étranger : elle était représentée par les hommes du parti républicain, qui avaient préféré le pain amer de l'exil à une capitulation de leur conscience. Parmi ces proscrits, il ÿ avait de toutes les conditions : des militaires, comme le général Lamoricière et le colonel Charras ; des hommes politiques : Etienne Arago, Victor Considérant ; des artistes, David d'Angers ; des poètes, Victor Hugo, mais aussi une élite d’universitaires. Victor Hugo, du haut de son rocher de Jersey, lançait sa protestation contre la tyrannie impériale dans les vers immortels des Chdtiments. « Rien ne dompte la conscience de « l’homme, disaitil dans sa préface, car la conscience de « l’homme, c’est la pensée de Dieu! » (juin 1853).

Deux autres groupes de proscrits s'étaient formés à Bruxelles et à Genève, ces deux villes de tous temps hospitalières pour les victimes de la persécution politique ou religieuse.

En Belgique Émile Deschanel prenait l'initiative de faire des conférences, accessibles aux femmes comme aux hommes, où, à propos de littérature, il touchait aux questions morales et philosophiques. Son exemple fut bientôt suivi par Madier de Montjau (1853), Challemel-Lacour, Pascal Duprat ; enfin,

1. Discours de Montalembert, Paris, 1860. Avant-propos.

2. La Liberté de penser avait été supprimée peu après le coup d'Etat de décembre 185c.