Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 67

la majorité ou plutôt la bonne cause l'emporta et les ministres du Dieu de paix furent forcés comme tant d'autres fois de se résigner au généreux sacrifice de ce qu'ils ne pouvaient conserver.

«J'ai remarqué que dans les discussions mêmes les plus sérieuses, la gauche, lorsqu'elle croit le résultat douteux, s'arrange de façon à faire durer la discussion jusqu'à trois heures; à cette heure, on voit tous les prélats tirer chacun sa montre et se dire à l'oreille :

Trois heures vont sonner ! Qu'ils vont faire, en restant, Refroïdir le diner!

« Ce doux souvenir du diner étouffe le bouillon de leur colère, l'esprit de dispute et de parti ne tient pas devant cette flatteuse image, et l'on voit les prélats partir à la file jusqu'au dernier, laissant le champ libre à leurs adversaires.

«La caisse d'escompte devait commencer aujourd'hui à payer en assignats; si ces derniers ont leurs partisans, ils ont aussi leurs détracteurs; mais c'est le petit nombre. On attend beaucoup de la vente des biens du clergé. On espère que leur produit rétablira l'ordre dans les finances et ramènera la circulation. »

Le clergé, exaspéré des mesures prises contre ses biens, s'écria qu'on attaquait la religion catholique, qu’on voulait la détruire, et il s’efforçca de surexciter