Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

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de Bretagne, contre M. l'abbé Mauri*. Ce dernier, s'opposant, selon sa coutume, au sentiment général, voulait empêcher la destruction des titres, il en résulta une grande rumeur, qui aussitôt se changea en risées par la saillie du député breton : « Eh ! Messieurs, dit-il, qu'il soit permis à M. l'abbé Mauri de porter ses armoiries. » Tout le monde sait que l'abbé est issu d'un savetier. »

Ce terme d’aristoerate dont nous venons de voir notre jeune étudiant se servir, est devenu l'injure à la mode. Au fond, on ne sait pas frop ce qu'il veut dire, mais on désigne ainsi « tous ceux qui sont contraires aux vœux du peuple ». « Ici, écrit Edmond, tout ce qui ne va pas selon la fantaisie des Parisiens est sur-le-champ taxé d'aristocratie. Jusqu’aux écoliers de l'Académie de dessin, qui accusent leurs crayons de féodalité quand ils sont trop secs ». Un serrurier offre à l'Hôtel de Ville, comme don patriotique, une potence de fer pour y pendre les aristocrates. Les cochers de fiacre appellent aristocrates leurs chevaux rétifs, et les garcons traiteurs, quand ils servent des dindons aux navets, annoncent finement « des aristocrates aux navets )».

La loi sur les armoiries provoqua dans toute la noblesse une vive irritation; cependant il fallut s'in-

1. Il était né avec un esprit d’académicien, dit Mercier, un talent de prédicateur et une audace d’antichambre.