La question du sel pendant la Révolution

XII

duit brut des salines. Les dépenses relatives à la main d'œuvre se font dans. l'intérieur, ce sont des Français qui en profitent, et, sans rien donner à l’étranger, on se procure un objet d'exportation de la valeur de six millions.

On observera peut-être qu’une des conditions du traité de la France avec la Suisse est de lui fournir une certaine quantité de sel, par année, à prix invariable, et que ce prix est de beaucoup inférieur à celui qu’on vient d'établir; que d’ailleurs on livre actuellement les sels de ces salines aux habitants de la Meurthe et du Jura à 6 liv. le quintal que conséquemment on ne pourrait retirer six millions des six cent mille quintaux qui pourraient y être fabriqués, soit en les exportant, soit en les vendant en France. Cela ne change absolument rien au produit réel des salines: en effet, l'engagement pris avec la Suisse, s’il était isolé, serait onéreux à la France: mais il est compensé par d’autres avantages politiques où commerciaux; et, si le gouvernement n'avait pas des sels à sa disposition, il serait forcé d’en acheter qui lui coûterait plus de 10 liv. le quintal, ou de rompre un traité vraisemblablement utile.

D'un autre côté, si par des considérations particulières, et peut-être momentanées, on a jugé convenable de faire une remise sur la valeur des sels aux départements de la Meurthe et du Jura, c’est un soulagement qu’on leur accorde pour leur tenir lieu, sans doute, d’une modération d'impôt; et de ce qu’on leur fournit des sels à 6 liv. le quintal, il ne s’ensuit pas que ce soit le prix ordinaire de cette denrée.

Enîin rien n’oblige les habitants de ces contrées à s’approvisionner aux salines nationales; ils en retireront le double avantage de conserver un grand moyen de circulation, et d’avoir toujours à choisir entre le sel de mer et le sel de salines; de manière que cet objet de première nécessité ne s’élèvera jamais chez eux au dessus du prix le plus modique, parce que l'Etat ne profitera pas des circonstances pour le renchérir. Si Jes salines étaient abandonnées, la France perdrait six cent mille quintaux de sel; elle les aurait de moins à exporter, soit en sel de mer, soit en sel de salines; et cette observation suffit pour démontrer de quel poids elles sont dans la balance du commerce.

Il est donc incontestable que ces établissements bien administrés ne peuvent nuire à l’aménagement des forêts; que s’ils n’existaient pas, les bois tomberaient à vil prix dans les campagnes qui les avoisinent; que, par une économie bien entendue, on les soutiendra au taux le plus favorable aux propriétaires et aux consommateurs; qu’on ne pourrait détruire les salines sans Causer un préjudice irréparable aux départements de la Meurthe et de Jura, sans perdre un revenu certain et très considérable, sans enfin priver la France d’un objet d'exportation annuelle d'environ six millions.

Mais il est aisé de sentir combien il est important, pour la conserva tion et l’amélioration des Salines, pour la stricte observance des règles auxquelles leur exploitation doit être assujettie, prévenir les délapidations dont elle est susceptible, pour ôter toute idée de spéculation et d’accaparement qui pourrait effrayer le peuple, de choisir un mode d’administration qui, en offrant des résultats certains, ne mette jamais ni le gouvernement ni les habitants à la discrétion des administrateurs. Trois moyens se présentent: la régie, lu ferme et l’entreprise; on va les examiner séparément, et s’attacher à celui qu’on croira préférable.