Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

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1814. — Le 25 janvier, au recu de la lettre précédente, Napoléon n’a pas une minute d’hésitation. Il nomme Carnot gouverneur d'Anvers. Mais, quand il fallut expédier les lettres. de commandement, les commis de la guerre, pour écrire l’adresse, cherchèrent dans les contrôles les titres officiels de Carnot et restèrent stupéfaits en voyant que l'Empereur venait, sans s’en douter, de placer un chef de bataillon à la tête d’une foule de vieux généraux. La routine aurait évidemment souffert d’un pareil état de choses; on sentit le besoïn d’y remédier, et, à l'imitation de certain personnage ecclésiastique qui, dans la même journée, reçut les ordres mineurs, les ordres ‘majeurs, la prêtrise et l'épiscopat, Carnot, en quelques minutes, passa par les grades de lieutenant-colonel, de colonel, de général de brigade et de général de division. Napoléon avait dit au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre : « Dès que Carnot m'offre ses services, je suis certain qu'il sera fidèle au poste que je lui indique. Je le nomme Gouverneur d'Anvers. Expédiez ses pouvoirs sur-le-champ en lui disant que je lui confie la première place de l'Empire français. »

« Nul mieux que Carnot, a écrit le général belge Wauwermans dans son excellent livre sur le Siège d'Anvers en 1814, ne convenait au rôle politique et militaire que devait remplir le nouveau gouverneur. Il avait à la fois les connaissances pratiques nécessaires, pour diriger la défense d’une place de guerre, la sagesse, la modération et la fermeté de caractère, l'indépendance d'esprit propre à rallier des populations, disposées à la révolte. » Les puissances alliées qui étaient composées d’Anglais, d’Autrichiens et de Prussiens, allaient voir qu'ils auraient à lutter avec un rude jouteur. Carnot, en effet, était prêt à tout, sauf à rendre la place, ayant basé sa conduite sur ces belles paroles du fameux Blaise de Montluc au maréchal de Brissac : « J'aimerais mieux être mort que de voir mon nom en pareilles écritures. »

1814. — Le 30 janvier, Carnot part pour Anvers en se