Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

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se trouvaient des brouillons de poésies. Que de fois, je l'ai vu, quand une étude l'avait fatigué, se lever tout à coup en se frottant le front, arpenter la chambre à pas rapides, fredonnant, et s’arrêtant par intervalles devant son bureau, qui était la première table venue, pour y écrire, sans se rasseoir, quelques vers. La même feuille sur laquelle il venait de tracer des plans de fortifications, des figures de géométrie, ou des formules algébriques, recevait un couplet de chanson. Il semblait éprouver un impérieux besoin de reposer les fibres de son cerveau par la variété des occupations. Quand il faisait des promenades, il était rare qu'il n'en rapportât point une étude scientifique, une page de morale ou quelque composition poétique. »

En effet, Carnot marchait beaucoup, surtout quand. il était en proie à des soucis. En 1815, en revenant d’une promenade, il dit à Arago qui l’attendait au ministère de l’intérieur : « C’est surtout à cause de l’âme qu'il faut exercer le corps. » Plus tard, solitaire et angoissé, dans son dernier exil à Magdebourg, ïil devait dire : « Quand je veux parler, j'écris. — Quand je veux écouter, je lis. — Quand je veux oublier, je marche. »

En résumé, Carnot fut une âme candide et pure un homme adorable, comme l’exprima Napoléon en 1815, en quittant la Malmaison —un homme facile à tromper, comme il lécrivit plus tard à Sainte-Hélène, c’est-à-dire un homme qui ne peut croire au mal. Ce fut un esprit pénétrant, lucide, impartial ; un cœur loyal, complètement insensible aux injures non méritées, avec une tournure de caractère vive et originale, dirigée par une rare et placide intelligence. Il est certainement un des plus grands citoyens de la période révolutionnaire, un savant de génie, car il a fait des travaux de premier