Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

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sont pas un gouffre où tous les trésors de l'État vont sans cesse s'engloutir. Depuis l’origine de la monarchie et de la plus ancienne forteresse, il prétend que toutes les forteresses du Royaume n'ont pas coûté autant que la seule cavalerie française en vingt-six ans. A cette époque, remarque piquante, vingt-six ans s'étaient précisément écoulés, sans que la cavalerie française eût tiré l'épée. Mais Carnot resta l'ennemi des citadelles, inutiles parce qu'elles sont isolées des remparts. et qu'elles constituent des bastilles dont les garnisons pouvaient foudroyer les villes plutôt que de servir contre l'ennemi du dehors.

Privé souvent par les événements de pouvoir se consacrer d’une facon continue à son vif penchant pour les mathématiques; forcé, par des devoirs impérieux de tous les jours, de s'abstenir du plaisir de se mesurer avec les grands problèmes dont la solution exige des années de contention d'esprit, Carnot choisit pour obéir à sa passion ces questions difficiles, mais circonscrites, qui peuvent être prises, abandonnées et reprises à bâtons rompus, et qu'on peut développer et approfondir, sans papier, sans crayon, à la promenade, au milieu des agitations de la foule, pendant les gaîtés d'un repas et les insomnies d’une nuit laborieuse. [1 dirigea, en r799, ses méditations vers la métaphysique du calcul. Aujourd'hui on choisirait un sujet plus immédiatement pratique; mais Carnot avait l'esprit porté aux spéculations profondes et de longue durée.

Dans la grande conception du calcul, les irrationnelles se présentèrent d’abord. Les anciens évitèrent de s'en servir. Les modernes plus hardis en ont fait usage. D'ailleurs, dit Monge, elles vainquirent par leur foule.

Aux quantités qui n'étaient pas numériquement assi-