Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE VII 61

que le commerce fût assez libre et assez étendu pour épargner le soin à l'administration, et en même temps, afin de mettre en circulation et à l'abri des dangers d’une longue garde, des blés que l'on tenait auparavant en réserve et dans un état de dépérissement continuel ; enfin pour tirer des grains, par une bonne mouture, une crosse quantité de farine, qu'une mauvaise manipulation renvoyait ordinairement aux animaux. Dans les tems où la liberté n’étoit encore qu'un vain nom et un objet chimérique, ces amas et approvisionnemens d'ordonnances avoient été imaginés ; on n’a pas osé y renoncer de bonne heure, dans la crainte qu'un commerce naissant ne pût pas d’abord pourvoir à tous les besoins ; il a paru nécessaire de les continuer, lorsque la mauvaise récolte, l'effroi populaire, les bruits publics de monopole, les précautions prises dans ces circonstances critiques, le génie predominant des prohibitions ont fait reculer, souffrir et tomber le commerce, lorsque les peuples, privés d'autres ressources, ont conjuré le Roi, par la voix de leurs magistrats, de leur donner du pain. — C'est là la seule et unique entreprise que des conjectures ayent pu transformer en monopole odieux et criant. Est-ce un monopole qu'une entreprise dans laquelle la police devoit d’abord régler la quantité et le prix des grains de la Compagnie, pour ne point étouffer la concurrence; dans laquelle on à vendu longtems à perte pour soulager le peuple ; dans laquelle enfin on a donné la denrée au prix courant, et enfin au prix coûtant, pour ne pas achever la ruine des marchands qui ne pouvoient, comme le Roï, perdre sur leur denrée {? » Les approvisionnements de Corbeil étaient si peu une cause de surenchérissement, que pendant la disette et les troubles de 1768, on venait de loin chercher à Paris le bon marché qu'on ne trouvait pas chez soi.

Le gouvernement d'alors comme celui de nos jours s’inquiétait avant tout de ravitailler la capitale : quand Partis avait bien mangé, il croyait la France rassasiée. Aussi la police prenait-elle les prècautions les plus minutieuses pour entourer la capitale comme d’une ceinture de greniers d’abondance. Nous saisissons son action sur le fait dans un Mémoire sur la Police de Paris en 1770, rèdige par le commissaire Le Maire, sur les ordres de Sartine, pour l'usage de l’empereur Joseph II. L'article XIV est tout entier con-

1. Roubaud. Op. cit, 122-5-7.