Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 7

de Joconde, de Jeannot et Colin, des Deux Gendres et d’une série d’autres œuvres dramatiques représentées avec succès sur les scènes de l'Opéra-Comique et du Théâtre-Français, a formulé, dans un discours académique, l’aphorisme suivant : « Le théâtre est l’expression de la société »; puis développant cette pensée, il arrive jusqu'à des conséquences qui pourraient peut-être de prime abord paraître excessives, ce qui nous engage à les rapprocher de l'opinion émise récemment par un écrivain d'une érudition incontestée en matière artistique.

Dans une étude sur les peintres et graveurs du xviue siècle, M. Paul Eudel déclare que si tous les documents de l’époque : écrits, chroniques et romans venaient à disparaître, on reconstituerait la physionomie et le caractère des règnes de Louis XV et Louis XVI rien qu’à l’aide des galantes et aimables productions dues au talent observateur des petitsmaîtres du xvinr siècle, tels que Baudouin, Saint-Aubin, Boilly, Taunay, Debucourt, Moreau le jeune, etc. Ce qu’il dit des gravures, estampes et dessins de ces artistes ingénieux et féconds, dont on se dispute aujourd’hui les productions à prix d’or, Etienne l'avait dit précédemment, à peu près dans des termes semblables, et dans une hypothèse identique, des œuvres théâtrales. En effet, dans le discours que nous venons d'indiquer, il soutient et développe cette thèse : que la vie tout entière d’une époque se reflète dans les œuvres dramatiques contemporaines, qui, elles seules, à défaut d’autres, suffiraient à conserver et reproduire exactement les tendances de cette époque, son histoire politique, morale et anecdotique. j:

Toutefois, cette proposition ne saurait être généralisée dans son application. C'est seulement en effet à partir de l’époque mémorable qui vit s'écrouler l’ancienne société, avec ses abus, ses privilèges de tous