Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

18 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

ses admirateurs passionnés et désolés firent graver, sur sa tombe, ces deux vers de notre poète Malherbe :

Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, L'espace d’un matin (1).

À côté de ces applaudissements, de ces ovations sans précédent, de même que les anciens triomphateurs romains, Beaumarchais eut aussi ses insulteurs.

Ils furent assez nombreux, et il se produisit contre lui une véritable grêle d'épigrammes plus ou moins mordantes. Contentons-nous de citer, à titre de spécimen, celle du chevalier de Langeac. Ce dernier n’était alors connu que par une traduction en vers des Bucoliques de Virgile, production d’un genre bien différent :

Je vis hier, du fond d’une coulisse, L'extravagante nouveauté Qui, triomphant de la police, Profane des Francais, le spectacle enchanté. Dans ce drame effronté chaque acteur est un vice: Bartholo nous peint l'avarice, Almaviva, le séducteur, Sa tendre moitié l’adultère, Et Doublemain un plat voleur. Marceline est une mégère; Bazile un calomniateur; Fanchette l’innocente est trop apprivoisée, Et le page d'amour, au doux nom Chérubin, Est, à vrai dire, un fieffé libertin, Protégé par Suzon, fille plus que rusée. Pour l'esprit de l'ouvrage, il est chez Bridoison. Mais Figaro? Le drôle à son patron

(1) On se sent amené à faire un rapprochement entre cette épitaphe funéraire et celle découverte sur la pierre tumulaire de ce jeune danseur de l'antiquité, enlevé aussi à la fleur de l’âge et à ses succès. Dans sa brève simplicité elle est assez touchante :

Biduo saltavit et placuit. Il dansa deux jours et plut.