Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 19

Si scandaleusement ressemble,

Il est si frappant, qu'il fait peur;

Et pour voir à la fin tous le vices ensemble, Le parterre en chorus a demandé l’auteur.

Loin de blesser Beaumarchais, cette attaque, malgré sa vivacité, fut plutôt pour lui une bonne fortune, et il sut en tirer parti avec son habileté accoutumée. En effet, à la représentation du jeudi 6 mai, avant le lever du rideau, on jeta du cintre une nuée d’imprimés qui n'étaient autres que l’épigramme de M. de Langeac, avec des additions et changements la rendant encore plus acerbe et plus mordante, et se terminant par un vers ainsi arrangé :

Des badauds achetés ont demandé l’auteur.

Cette manœuvre, qu'on impute à Beaumarchais lui-même, eut un succès foudroyant ; l’épigramme fut déchirée avec indignation par les spectateurs; son auteur, demandé à grands cris, fut, à l'unanimité, condamné à Bicêtre, et les applaudissements augmentèrent encore d'intensité.

Si véritablement Beaumarchais, ainsi que les écrivains du temps l'ont affirmé, fut le provocateur de cette manifestation, on y trouverait la confirmation que l’auteur du Mariage de Figaro avait devancé son époque sur plus d’un point, et notamment en matière de puffs et de réclames, suivant les locutions modernes. Le succès persistant de sa comédie amena des incidents assez curieux.

Ilse trouva toute une société de grandes et honnestes dames, aussi curieuses que scrupuleuses et prudes, brûlant du désir de savourer, sans être vues, ce spectacle immoral, scandaleux, mais bien piquant, irré-