Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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sistiblement séduisant, et dont les récits leur tournaient la tête.

C’est alors qu’elles imaginèrent, pour concilier leur curiosité et leur pruderie, d’obtenir, par l’intermédiaire du duc de Villequier, la petite loge dont disposait Beaumarchaiïs et où on assistait au spectacle incognito.

La réponse de Beaumarchais est bien connue; toutefois nous ne résistons pas au désir de la reproduire ici : « Je n’ai nulle considération, Monsieur le duc, pour des femmes qui se permettent de voir un spectacle qu’elles jugent malhonnête, pourvu qu’elles le voient en secret. Je ne me prête point à de pareiïlles fantaisies. J'ai donné ma pièce au public pour l’amuser et non pour l’instruire, non pour offrir à des bégueules mitigées le plaisir d’en aller penser du bien en petite loge, à condition d’en dire du mal en société. Les plaisirs du vice et les honneurs de la vertu, telle est la pruderie du siècle. Ma pièce n’est point un ouvrage équivoque; il faut l’avouer ou le fuir. — Je vous salue et je garde ma loge. »

La leçon était bonne et bien appliquée. Profita-telle? Il est permis d’en douter; mais on a dit que c'est de cette époque que date la création de loges grillées, à l’usage particulier des curiosités timorées, prudes et pudibondes.

Jusqu’à la fin de l’année 1784, le Mariage de Figaro fut joué 67 fois, c’est-à-dire l’un dans l’autre trois fois par semaine. Avant de quitter l'affiche il atteignit le chiffre de 80, ce qui était énorme pour l’époque, où 25 à 30 représentations, obtenues dans la nouveauté, constituaient un très brillant succès (1).

(1) En l’année 1790, les droits d’auteur du Mariage de Figaro produisaient la somme de 70,000 francs à Beaumarchais, qui avait inscrit sur ses billets d'auteur :

« In manus tuas commendo spiritum meum. »