Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 21

Ainsi, citons quelques exemples au Théâtre-Français : Rhadamiste fut joué 30 fois; Zaire, 30 fois; Alzire, 20 fois; Inès de Castro, 32 fois; Le Glorieux, 30 fois; Le Méchant, 24 fois; Mérope, 29 fois; Le Légataire, 20 fois; L'Ecole des mères, de La Chaussée, 28 fois; La Métromarie, 14 fois ; enfin à la 100° représentation du Mariage de Figaro, en mai 1787, on se battait encore à la porte pour avoir des billeis, nous dit un témoin oculaire (1).

Tout contribuait du reste à assurer à cette œuvre étrange une vogue inouïe, sans précédent dans les fastes du théâtre, car si, d’une part, les classes privilégiées ne voyaient que le côté spirituel, amusant et gai de cette intrigue si habilement tissée, d'autre part le public du tiers état, du parterre, saisissait avec avidité cette thèse hardie, profonde, où, avec une clairvoyance, une intuition d'une finesse merveilleuse, Beaumarchais traduisait toutes les idées en fermentation et les faisait vivre en quelque sorte dans les parties les plus saillantes de sa pièce. Cette amère épigramme sur les grands seigneurs qui se sont donné « la peine de naïtre », ne prépare-t-elle pas la suppression des privilèges nobiliaires et l’avènement du principe de l'égalité civile? Cette ancienne magistrature, retranchée dans ses formes surannées et barbares, entachée d'abus, de vénalité et de corruption, n’était-elle pas personnifiée dans le grotesque Bridoison? Dans ce fameux monologue de son héros, que de traits mordants, acérés, devenus proverbes, sur toutes les entraves apportées à la libre expression de la pensée!

Enfin n’est-on pas porté à voir dans Figaro le précurseur satirique et railleur des idées, des principes si éloquemment développés, quelques années plus

2

(1) François Cognel, La Vie Parisienne sous Louis XVI.