Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 29

travail cet artiste peut espérer de brillants succès. »

Né le 15 janvier 1763, Talma avait donc, en 1789, 26 ans, un an de plus que Chénier.

Son intelligence profonde des effets scéniques, le caractère de sa tête et de sa physionomie, où l’expression la plus tragique s’alliait à la parfaite régularité des traits, cette sensibilité, cette chaleur de l’âme, qui le caractérisaient essentiellement, avaient déjà frappé les connaisseurs et fait naître de grandes espérances. Ajoutons un mérite alors inconnu, tout exceptionnel : le soin particulier du costume, à cette époque encore presque aussi ridicule que cent ans avant, car la réforme dont Lekain et M'° Clairon avaient eu l’idée, était restée presque à l'état de projet (1). La fantaisie la plusen désaccord avec l'exactitude et la couleur locale, présidait seule à la confection des costumes. Cette étrangeté, cette bizarrerie, souvent de mauvais goût, dans l’accoutrement théâtral, que nous révèlent les portraits et gravures de l’époque, se sont encore manifestées à nos yeux, en 1885, à la remarquable exposition des pastels du XVIII siècle, où l'on adinirait un beau portrait, par Latour, du tragédien Larive, singulièrement costumé dans le rôle de Gengis-Kan.

On comprendra quels préjugés et quelle résistance Talma eut à surmonter et à vaincre, pour faire accepter la vérité historique dans les costumes des héros de l'antiquité, par le fait suivant (2) : Un soir qu’il sortait de sa loge, chargé du rôle accessoire

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(1) Voir Histoire du costume au théâtre, Adolphe Jullien, Charpentier, 1880. — Recherches sur les costumes et les théâtres, Levacher de Charnois.

(2) Vanhove, quand on lui fit quitter les lambrequins et la culotte de soie cramoisie, pour revêtir le costume historique d'Agamemnon, s'écria de fort mauvaise humeur: « Le beau progrès, ils ne font seulement pas une poche sur Le côté de la cuisse pour mettre la clef de sa loge! »

2.