Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 31

De même qu’à l’Assemblée nationale, il y avait donc dans l’assemblée des comédiens, le côté gauche et le côté droit.

Tout en encaissant volontiers les belles recettes produites par Charles IX, le côté droit n’avait pour la pièce qu’une très médiocre sympathie, alors surtout qu’elle mettait en relief, de la façon la plus éclatante, le nouvel astre menaçant de les éclipser tous, Talma, qui devenait de plus en plus l’acteur favori du public. Il avait donc tout à la fois contre lui son talent et ses opinions. Charles IX lui offrant la seule création et la seule occasion de briller dans le répertoire, il sollicitait, mais en vain, la reprise des représentations. Mauvais vouloir manifeste d’un côté, ardeur juvénite exaltée par le succès de l’autre, amenaient fatalement des conflits, des discussions violentes. Elles éclataient principalement entre Talma et Naudet, son plus fougueux adversaire. Cette irritation mutuelle avait pris un tel degré d’acuité, qu’un soir, au moment où le rideau allait se lever sur Tancrède, l’altercation alla jusqu’à des arguments absolument étrangers à la dignité tragique.

Le lendemain, eut lieu une rencontre au pistolet entre les deux adversaires, mais heureusement sans effusion de sang (1). Ces querelles intestines transpirèrent au dehors, dans les cafés et autres lieux publics, elles devinrent, avec la suspension de

(1) Un autre duel entre Talma et Larive eut un résultat tout différent, car ce dernier fut assez grièvement blessé.

M.-J. Chénier s'étant trouvé également offensé par Naudet, lui fit cette proposition, où se révèle bien son caractère à la fois fougueux et sarcastique : d’attacher une ficelle à la détente de deux pistolets, qui seraient placés sur le front de chacun des combattants, et d’apposter un témoin qui, tirant la ficelle, ferait sauter la cervelle des deux adversaires.

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