Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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pour lesquels M. Talma était éloigné de la scène.

Le jour suivant, la salle remplie d’une foule en ébullition, retentissait de vociférations furieuses, dès avant le lever du rideau. Des femmes, en grand nombre, garnissaient les loges, bien que l'orage fût prévu et annoncé, et peut-être à cause de cette prévision même; chez elles, la curiosité dominait la peur.

Le spectacle annoncé était : Le Barbier de Séville et l'Ecole des maris. Mais, ce qui préoccupait surtout et exclusivement le public, c’étaient les explications promises par la Comédie.

Le maire de Paris, Bailly, avait fait engager les comédiens à ne pas persister dans leur décision, jusqu’à la constitution complète du pouvoir municipal. On le savait, ce qui redoublait l'émotion du public.

Enfin le rideau se lève ; Fleury, qui s'était résolument chargé de la terrible mission, paraît, tout habillé de noir, et fait les saluts d'usage. Le bruit s’apaise, on écoute. Alors, d’une voix bien distincte, il prononce ces paroles :

« Messieurs, ma Société, persuadée que M. Talma a trahi ses intérêts et compromis la tranquillité publique, a décidé à l’unanimité qu’elle n'aurait plus aucun rapport avec lui, jusqu’à ce que l’autorité en eût décidé. »

Sur cette déclaration, on le comprend, Le tumulte reprend et gronde avec plus de fureur que jamais. Les partisans de la Comédie applaudissent de toutes leurs forces, ses adversaires font éclater un véritable ouragan de cris, de huées et de sifflets. Et les femmes en grand nombre, ainsi que nous l'avons dit, ne peuvent retenir des cris d’effroi, au milieu de ce déchaînement de défis qui s’entrechoquent. Comme pour ajouter encore à cet affreux vacarme, Dugazon s’élance des coulisses et s’avançant vers la rampe :