Louis XVI et la Révolution

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ment d’autres inconvénients : elle n’aimait pas à voir les mains du roi noires comme celles d’un vrai serrurier. Louis XVI, lui, en était fier. Ce dut être un beau jour dans sa vie que celui où, le feu ayant pris dans un appartement dont la porte était fermée, le roi accourut avec sa trousse et crocheta lui-même la serrure. Pour se reposer de son travail, il aimait à se promener sur les toits du palais, et à lorgner les gens qui arrivaient à Versailles. Un jour il faillit même lomber, et fut sauvé par un ouvrier qui le retint par ses habits.

Du reste il avait d’autres passe-temps, et plus nobles. Il était surtout grand chasseur, et disait fièrement : le goût de la chasse est celui des gentilshommes. Là encore la brutalité de sa nature apparaît. Ses chasses sont des boucheries. En trois jours, à Compiègne, on tue neuf mille pièces. Tous les gibiers lui sont bons à massacrer : un jour, il abat deux cents hirondelles. Il brûle tant de poudre dans ces tirés, qu'il revient la figure toute noircie. A la chasse à courre, il lance son cheval à fond de train, effrayant tout son cortège, jusqu’à ce que la fatigue l’abatte tout d’un coup. Et le soir, les valets qui l’aident à monter les escaliers de Versailles lui voient les jambes si engourdies de fatigue, et la tête si vacillante de sommeil, qu'ils le croient ivre.

De là ces accusations d’ivrognerie, qui trouvaient crédit même auprès de gens assez bienveillants. Dumouriez, qui ne lui est pas hostile, dit dans ses Mémoires : « Ne pouvant lui donner des vices réels, on lui en donna de factices, comme l'amour du vin. » Le reproche tombe à faux. Ce qui le prouverait, même sans autre témoignage, c’est le plaisir que Louis XVI trouvait aux représentations d’Ésope à la cour, où l'on voyait un courtisan reprocher au prince d'aimer le vin et de s’enivrer. Le roi buvait simplement à proportion de sa faim, qui était du reste prodigieuse. On a constaté que sa table coûtait 455 livres, 11 sols, 10 deniers, les jours gras, et 620 livres, 5 sols, les jours maigres. Les loyaux serviteurs