Louis XVI et la Révolution

30 LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

elle court à Paris, où elle se trouve, dit son frère, « mêlée en société et confondue avec toute la canaille de Paris ». Elle y intrigue, incognito il est vrai, mais on la reconnait facilement. Un soir, habillée en amazone, elle remarque un cavalier fort leste, l’aborde et lui demande : « Qui es-tu, beau masque? — Ton sujet, belle amazone, répond en se démasquant le comte d'Artois. » Ne prenant de son rang que les avantages, elle veut s'amuser royalement ; elle ne se préoccupe jamais de convenance, ni presque de décence, pourvu qu’elle puisse goûter les plaisirs qu’élle aime. Elle assiste, chez la duchesse de Polignac, à la représentation d’un proverbe si audacieux qu'aucune femme n’a voulu y prendre un rôle. Ce qui n’empêche personne d’y rire aux larmes. Sans songer à l’inconséquence, la reine joue le Barbier de Séville à Trianon. Il faut que le roi lui interdise de se montrer au théâtre dans une loge voisine de celle de Voltaire : elle voudrait causer, même en publie, avec le vainqueur de l’Infâme. Chose plus curieuse encore, elle ne se sent pas atteinte, lorsqu'on plaisante devant elle la royauté. On lit dans la Correspondance secrète, à la date du 17 janvier 4787 : « On jouait l’autre jour au théâtre de la ville, à Versailles, un opéra-comique de Paisiello, intitulé Tesoro, dans lequel un roi se plaint que les finances de son royaume sont en mauvais ordre. Un plaisant du parterre cria qu’il fallait assembler les notables. La Reine était présente : elle rit beaucoup de cette hardiesse. On voulait arrêter le donneur de conseil : elle l’empêcha. » Elle ne comprend pas qu’elle a besoin, plus que tout autre, d’avoir l'air de respecter la couronne, et de la faire respecter même dans les plus petits détails. La reine, au contraire, a horreur de l'étiquette, dont elle ne voit que les minuties, ennuyeuses il est vrai, mais qui ont pourtant leur bon côté; car l'étiquette élève une barrière utile bien que fragile, autour des personnes royales, barrière qui suffit pour arrêter les cancans, les calomnies. Le duc de Saxe-Teschen admire et critique « l’amabilité de la Reine et