Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

DU TRAITÉ DE TILSITT À LA BATAILLE DE WAGRAM. rxur

L'empereur, qui venait de rendre le 17 décembre son décret de Milan, plus rigoureux encore que celui de Berlin, et par lequel étaient poussées à outrance les mesures contre l’Angleterre (1), se montra plus sévère sur le concours qu’il exigeait de ses alliés. Dans ces dispositions, recevant en audience diplomatique l'amiral Ver Huell, nommé depuis peu ambassadeur à Paris, il se plaignit hautement de la conduite du roi; il ne parla pas seulement de sa mollesse dans l’exécution du blocus, mais de l'insuffisance de ses troupes, du désarroi de ses finances, de son refus réitéré de mettre une imposition sur les rentes, insinua qu’il se montrait moins son frère et son allié que le frère et l’allié du roi Georges, et prononça le mot de trahison (2). Blessé de ces insinuations comme d’un outrage, Louis répliqua qu’il pouvait tout sacrifier à son frère hors son honneur, et que, plutôt que de laisser de pareilles accusations peser sur sa mémoire, il était prêt à se soumettre au jugement d’une haute-cour. Les paroles que, dans cette circonstance, il adressait à l’empereur, dénotaient la profondeur du coup qu’il avait reçu : « Quoique j'aie été attaché à la vie, parce que j'ai des désirs modérés et que j'aurais pu avoir quelques jours tranquilles, je pense que, si les mourants sont à plaindre, les morts sont heureux. » Puis il ajoutait, avec une sorte de résignation douloureuse : «Qu’ordonnez-vous que je fasse? Fermer les ports? Je les fermerai; mais est-il juste d’accabler ce malheureux pays? Faut-il m’en aller? J'y consens volontiers, pourvu que je ne laisse pas

(1) On sait que par ce décret était déclaré dénationalisé tout bâtiment qui avait subi la visite d’im vaisseau anglais. Le 11 janvier 1808, l'empereur prit de nouvelles mesures qui encourageaient les dénonciations au sujet des contraventions qui pouvaient avoir lieu.

(2) Nous ne connaissons cet incident que par la réponse de Louis et aussi par une lettre qu'en cette occasion il adressa à l'amiral Ver Huell,