Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AVOCAT 31

de faire parvenir ses doléances au pied du trône !. Il écrivit alors sa Lettre au Garde des sceaux, datée du 47 mai 1788 et signée de tout le barreau d'Aix. Il y dénonçait les nouveaux édits comme illégauxet attentatoires aux franchises séculaires du comté de Provence. Il prouvait, par le témoignage de tous nos historiens, que la monarchie en France était, par essence, une monarchie tempérée; que le Roi, investi de l'autorité législative, ne l'avait jamais exercée sans le concours des États-Généraux ou des parlements, en l’absence des États-Généraux, et que confier ce droit de contrôle à une cour plénière unique placée sous la main du pouvoir royal, c'était substituer à une liberté sérieuse une garantie illusoire. On avait dit, il est vrai, que le droit de vérification des parlements présentait de graves inconvénients, qu'il entravait l’exercice du pouvoir royal, retardait l'exécution de la loi et en compromettait la

4. L'année précédente, le ministère avait consulté Portalis sur le projet de rétablir les États de Provence suspendus depuis 1631. Il répondit par un volumineux mémoire (154 pages in-folio), resté manuscrit, où il exposait l'origine historique des États et indiquait les changements que leur organisation lui paraissait comporter. Il demandait que la noblesse et le clergé contribuassent, comme le Tiers-État, à l’acquittement des charges communes, et, prenant pour modèle le régime inauguré dans le Bas-Languedoc par Turgot, il réclamait, en faveur du Tiers-État, le droit d’élire un uombre de députés supérieur d’un tiers environ à celui des représentants des deux premiers ordres réunis. Les réformes réclamées par Portalis ne furent pas accomplies. La noblesse l’emporta : elle obtint la convocation des Étais suivant leur ancienne forme, et l'hostilité réciproque des trois ordres n'en devint que plus violente.