Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, page 229
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c'était Robespierre. La destinée, qui voulut se servir de ce rhéteur médiocre pour nous donner le joug le plus atroce et le plus bumiliant, venait de le placer dans une position où il commençait à attirer les regards. Chef d’une minorité, composée d’abord seulement de sept membres de l’assemblée constituante, il s'était opposé à ce qu’on rendit au roi fugitif sa couronne. Après la sanglante issue de la fameuse pétition du Champ-de-Mars, il s'était caché quelques jours; il avait reparu avec timidité, il reprit bientôt assez d’ascendant pour contrarier toute l’entreprise de la révision. En pressant la dissolution de l'assemblée, il vengeait sa vanité long-temps humiliée, il ajoutait à la réputation de son désintéressement; la seule par laquelle il pût se faire valoir. Il voyait naître cette anarchie dans laquelle dominent les plus vils perturbateurs. Entraînée moins encore par de telles suggestions, que par quelques sentimens jaloux, l’assemblée abandonna aux chances les plus périlleuses , et sa constitution , et le monarque qu’elle eût pu soutenir encore par une tutelle vigoureuse et respectée. L'acceptation de la constitution avait été preposée à un roi prisonnier. On avait ouvert son palais depuis quelques jours, afin qu’il parût un peu plus libre. On chercha tous les moÿens de solenniser cette réconciliation qu’il faisait avec le peuple. 11 y mit la sensibilité qui était dansson cœur, et plus de dignité que son caractère n’en montrait ordinairement. Thouret, qui présidait alors l'assemblée constituante, lui remit, presque à genoux, un sceptre brisé, sans force et sans éclat. On donna le signal à la joie publique , et les ames honnêtes tâchèrent de retrouver de la joie dans leur cœur. Mais la raison offrait à chacun desinistres pressentimens. Les fêtes furent somptueuses et lugubres, Ce n’était plus la vive et bruyante allégresse du Champ-de-Mars. Le peuple était morne et défiant, le roi semblait interroger, avec mélancolie, tous les regards; on avait peine à étouffer les murmures qui étaient toujours prêts à éclater à l’aspect de la reine. Elle semblaitchercher une protection dans son fils. Cette famille malheureuse cessa bientôt de se montrer, plutôt à la pitié, qu’à l'amour des Parisiens. La cour redevintsombre et silencieuse, asile des soupeons, des terreurs et des timides intrigues qui furent prises pour des complots. Une amnistie avait été publiée pour tousles faitsrévolutionpaires. L'assemblée constituante avait révoqué quelques disPositions de rigueur contre les émigrans. La gêne des passeports était abolie. L'assemblée poussa la confiance jusqu’à penser quelesennemis les plus invétérés de larévolutionsuivraient le vœu du monarque, reviendraient autour de lui pour assurer son existence , et prendraient part au pacte nouveau qui leur promettait paix et protection, Mais il n’en arriva pas ainsi, La