Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, page 230

LEGISLATIVE. gt

liberté de sortir de France parut, à des hommes aveuglés par la haîne, la liberté de sortir d’une prison. Les frères du roi se servirent des antiques formules de la monarchie ; Pour convoquer autour d'eux, l’arrière-ban de la noblesse. Hs protestèrent que le roi était enchaîné par une autorité usurpatrice, qu'au fond du cœur il détestait ; qu'eux seuls étaient les interprêtes de ses vœux, et pouvaient tracer à la fid èle noblesse la route qu’elle avait à suivre. Ils ménacçaient de l’infamnie quiconque hésiterait à venir les rejoindre. Ils présentaient la certitude d’un retour triomphant et prochain , tous les rois de l'Europe déjà ligués contre un système impie et anarchique, des armées s’avancant vers les frontières de la France, qui réclamaient une avant-garde de Français dignes de leurs aïeux. Le ressentiment et l’orgueil firent ajouter foi à ces promesses. Toutes les routes étaient couvertes de présomptueux fugitifs, quiles remplissaient de leurs menaces. On courait à Coblentz comme à lanouvellecapitale. On quittait les plaisirsde Paris, comme pour aller chercher d’autres plaisirs. Les descendans des croisés, plus inconsidérés encore que leurs aïeux, abandonnaient, sans précaution, leurs vastes domaines, et n’emportaientayeceux qu’une épée qui devait être inutile ou funeste. Il ÿ avait bien une sorte de fanatisme chevaleresque chez quelques individus; mais ce qui précipitait, au dehors, la plupart de ces insensés, c'était la mode. Ceux qui avaient des noms illustrés, craignaient d'y imprimer une tache, en refusant de porter les armes contre leur patrie, Ceux qui avaient des noms plus obscurs, des titres plus modernes, bénissaient l’occasion qui leur était offerte d’en rehausser l'éclat. Mille aventuriers les suivaient, et les excitaient. Cependant un grand nombre de vieillards , d'hommes paisibles quittaient, en soupirant, leur terre natale , abandonnaiïent ou entraînaient avec eux leur malheureuse famille ; les plus cruels sacrifices leur étaient demandés au nom de l'honneur. Ils n’osaient interpréter ce qu’on appelait les lois de l'honneur.

Tel était donc le premier gage de la paix que l’assemblée constituante avait cru ramener en France. Nul mystère, nulle contrainte pour ces provocations à une guerre étrangère. Elles retentissaient dans tous les spectacles, dans tous les lieux publics; et, ce qu’il y eut de plus funeste , c’est qu’elles furent entendues même à la cour. La reine n’observait, à cet égard, qu’une circonspection froide , mal imitée encore par plusieurs des personnes qui l’entouraient. Le roi montrait plus de douleur; mais une douleur inactive ; il n’opposa rien aux ordres impérieux que donnaient ses frères. Peut-être, il craignit, en divulguanttrop tôt l'étendue du mal, de provoquer l'inquiétude qui commençait à renaître; peut-être aussi son irrésolution naturelle lui montrait-elle quelque chance avantageuse dans la menace terrible qui allait être faite aux Français.