Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

LEGISLATIVE. 229

étonffèrent sa voix. Merlin de Thionville eut peine, au milieu des mouvemens qui agitaient l'assemblée , à faire entendre ces mots : « Vous admettez souvent des délais, quand il s’a» git de rendre un décret d'accusation contre des individus; » eh bien, celui que vous allez rendre est un décret d’accusa» tion contre l'humanité entière.» L'assemblée, obéissant enfin au transport le plus général qu’elle eût jamais éprouvé, rendit à l'unanimité, moins sept opposans, le décret qui déclarait la guerre au roi de Bohême et de Hongrie. La foule impatiente qui occupait toutes les avenues de l'assemblée , accueillit, avec des transports de joie, cette décision. Mais le plus impétueux délire de lespérance n'eût jamais pu aller aussi loin que les triomphes extérieurs qui ont rassasié l’orgueil français ; la plus sombre prévoyance neût jamais pu aller aussi loin que les calamités intérieures dont nous avons été frappés.

Bientôt nous aurons à rendre compte des premières opéra“ tions de la guerre, et des premières ignominies que la France essuya à l'entrée d’une carrière de gloire. Mais ne perdons pas de vue le concours des événemens révolutionnaires qui conspirèrent pour la chûte du trône. !

Le roi se sentait, chaque jour, importuné de ses ministres républicains. Il les regardait plutôt comme les espions de sa conduite que comme ses conseils. Il était sombre et timide, avec eux ; ils étaient menaçans avec lui. Il les voyait préparer les décrets qui lui étaient le plus opposés , et il n’osait les contredire. Cette situation passive et hnmiliante complétait son avilissement aux yeux des Français. Les constitutionnels qui n'avaient pu le défendre contre les entreprises de l'assemblée, n’osaient et ne savaient le défendre contre ses propres minis tres. Déjà il n’était plus désigné dans les clubs, dans les groupes, que par le sobriquet plat et injurieux de M. Veto, qui lui avait été donné, au sein de l’assemblée, par un député nommé Lacroix. {l ne pouvait plus, ni lui ni son épouse , sortir de son palais, sans recevoir les imprécations et les outrages , que le peuple aime à prodiguer à celui qui fut puissant. Jusques dans son palais, il était poursuivi par des clameurs menaçantes. Le jardin des Tuileries était incessamment rempli de vociférateurs féroces, occupés à lui répéter toutes les invectives que vomissaient contre lui Marat, Martel, le père Duchesne , dont le peuple lisait, avec fureur, les feuilles sanguinaires. Dans cette position presque désespérée, Louis se composa un comité secret qui servit plutôt à le consoler qu’à le diriger. Que de précautions il fallut employer pour cacher, aux yeux des ministres et des républicains, l’existence de cé comité ! Les trois hommes qui le composaient, étaient chacun