Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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ficile ; c'était d’avoir à refuser sa sanction à un décret sollicité par l’un de ses ministres. La cour et Paris même étaient en alarmes. Personne ne doutait que ces vingt mille hommes ne fussent appelés pour la destruction du trône. Arrétons-nous un moment pour considérer quelle pouvait être ici l'intention des girondins. Sans doute ils étaient impatiens de terminer cette lutte; ils sentaient combien il était odieux de procéder toujours par des mesures révolutionnaires. J’ai déjà dit que le but de leurs attaques se rapportait à l'abdication de Louis. Ils commençaient à craindre qu'il ne voulut point s’y prêter. D'un autre côté, ils voyaient la populace de Paris entièrement livrée aux jacobins, ils n’osaient pas lui confier une grande révolution, dont ils ne seraient plus les directeurs et les maîtres. ls espéraient frapper ce coup avec moins de violence, et suriout avec des suites moins funestes , par le moyen d’une milice départementale. Robespierre et Danton découvrirent le projet de leurs rivaux. Le premier s’éleva avec force contre le camp de vingt mille hommes, qui auraient transmis à d’autres l'action révolutionnaire; mais sa troupe ne le comprit pas, et écouta ses représentations avec défaveur. Louis trouva quelques faibles secours pour l’enhardir à une nouvelle résistance. La garde nationale de Paris s’indigna de ce qu’on appelait d’autres qu’elle à la défense de cette ville. Toute la classe industrieuse fut avertie, par les dangers particuliers dont elle se formait l’idée, de prendre part au danger du roi. Huit mille citoyens signèrent une pétition pour demander la révocation du décret; l'assemblée affecta de couvrir de mépris ceux qui furent les organes de cette pétition : on alla même jusqu’à demander qu’on prit des informations sur ceite nouvelle mamœuvre de la cour.

Deux hommes rivaux et ennemis offrirent, chacun de leur côté , leurs services au roi, qui les craignait l’un et l’autre: l’un était Dumouriez, et l’autre Lafayette. Parlons d’abord du dernier. Son nom ralliait encore tous les amis de la première révolution, qui condamnaient celle qui était évidemment tramée. Soit par estime pour ses vertus, soit par le souvenir de ce qu'il avait fait pour la liberté naissante, plusieurs des républicains le ménageaient encore. L’enthousiasme populaire s'était long-temps fixé sur lui; mais déjà l’inconstante multitude écoutait les cris de ceux qui parlaient de venger sur lui la journée du Champ-de-Mars. La jeunesse parisienne, qu’il avait soumise à des institutions militaires, avait perdu , depuis son absence , le zèle actif qu’il lui avait communiqué. Cependant elle semblait invoquer le retour de son chef. Le roi qui cherchait par-tout un bras protecteur, eût cependant désiré un tout autre appui que celui de Lafayette. La reine s’obstinait