Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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à ne voir en lui qu’un des premiers auteurs de son humiliation actuelle (e). Maintenant il était à la tête d’une armée considérable ; il y était aimé, il l'avait soumise à une discipline assez exacte. Dumouriez lui avait commandé d’attaquer les Autrichiens ; il avait eu avec eux deux rencontres qu’on ne pouvait présenter comme des succès ; mais du moins ce n’étaient pas des défaites ignominieuses comme celles qu’on venait d'apprendre. La bravoure de quelques régimens , et surtout d’un bataillon de la Côte-d'Or, s'y était déployée avec éclat. Dans l’une de ces affaires, Lafayette avait perdu le plus cher de ses compagnons d’armes, Gouvion. Député à l’assemblée législative, Gouvion y avait observé tous les symptômes du mouvement qui se préparait: depuis long-temps il était obsédé de noirs pressentimens. Le jour où les soldats de Châteauvieux entrèrent dans l'assemblée ,'Gouvion en sortit indigné. Ces soldats lui rappelaient un de ses frères qui avait péri par leurs coups dans l'affaire de Nanci. Il prit le parti de se rendre à l’armée et d’y chercher la mort. Il annonça cette inteption à ses amis, qui cherchèrent à modérer son désespoir. A la première occasion, il s’exposa avec témérité, et resta avec obstination dans un poste dangereux; il fut tué par un boulet.

Lafayette se plaïignait vivement du plan de campagne qu’avait ordonné Dumouriez; leur correspondance n’était remplie que de reproches amers. La cour penchait plutôt pour le premier, qui lui faisait plus de promesses. Les amis. de la Fayette crurent que son intervention pouvait protéger le roi contre les complots dont il était menacé. Lafayette se rendit à leurs prières, et'écrivit , de son camp, à l’assemblée, une lettre où il s’efforcait de la faire rougir des atteintes qu’elle avait portées à la constitution, Il parlait avec mépris et avec menace des jacobins. Son armée, disait-il, s’indignait des malheurs et de Popprobre qu’ils répandaient sur la nation; elle était déterminée à châtier ces factieux, si l'assemblée ne se délivrait pas de leur joug. Un étonnement, qu’on pouvait prendre pour de la crainte, se répandit dans l’assemblée , quand on entendit cette lettre. Les constitutionnels obtinrent qu’elle fut renvoyée à l'examen des comités, mais elle ne contribua qu’à accélérer Vinsurrection du 20 juin, pour laquelle tout était disposé; voici quel en fut le prétexte :

Dumouriez voyait chaque jour le roi profondément affecté des censures outrageantes qu'il recevait de ses ministres. Il saisit une occasion de lui parler avec confiance, avec sensibilité : « Ne croyez pas, sire, lui dit-il, que je partage les sen» timens de mes collégues , et que je sois entré au ministère » pour vous renverser du trône. Je voudrais au contraire,