Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

LEGISLATIVE. 243

dans la puissance de les refuser. Cette procession de piques dura long-temps, et rendit toute délibération impossible. Les députés populaires se montrèrent long-temps aux regards du peuple ; ceux qui lui avaient été représentés comme des amis de la cour , eurent peu à souffrir de leurs outrages. Il régnait, dans tous les mouvemens de cette troupe, un sang-froid qui ressemblait à l'ennui. Il y avait déjà quelques heures que ce cortége passait dans la salle, et ne s'était point tout-à-fait écoulé, lorsqu'on apprit, avec inquiétude ; que le rassemblement se portait vers le château des Tuileries. Différens postes de garde nationale occupaient les avenues du jardin , aucune des autorités ne leur avait envoyé un ordre de résistance. Ils se retirèrent à la vue de ces milliers d'hommes armés, en témoignantune profonde consternation. La foule répandue dans le jardin frémissait autour du chäteau, qui restait encore fermé. Les grilles furent à l’instant abattues, les portes enfoncées à ‘coups de hache; les jours du roi et de sa famille étaient au pouvoir de quiconque, däns cette vaste multitude , aurait eu de la fureur et de l'audace. Tout se contint, tout se modéra dans le désordre. L'appareil de l’épouvante était par-tout; mais les insurgés furent fidèles aux ordres qu’ils avaient reçus , d'avilir, et non de renverser en ce jour, la royauté. Un canon fut traîné jusques dans les appartemens du roi. La foule y pénétra. Il avait lui-même fait éloigner la plupart de ceux que le zèle avait rassemblés auprès de sa personne. Quelques-uns des nouveaux ministres étaient cependant restés à côté de lui ; des gardes nationaux cireulaient à l'entour, et veillaient sur les dangers dont il paraissait menacé. On vit dans le tumulte de cette scène, des hommes connus à la cour, emprunter les habits et la pique de quelques-uns des insurgens, et se mêler, dans l'intention de défendre le roi, avec ceux qui versaient sur lui mille opprobres. Louis résista , fnoins en monarque qui défend et fait encore sentix sa dignité, que comme un honnête homme que sa conscience rend intrépide. On vint lui lire une pétition où les outrages lui étaient prodigués; il y répondit avec modération et fermeté. En protestant de son zèle pour la constitution , il déclara qu’il ne se dessaisivait pas des droits qu’elle lui avait donnés. Il s'ouvrit, entre lui et quelques chefs du mouvement, une discussion d’abord assez paisible. Un homme ivre , et d’un aspect féroce, vint lui présenter le bonnet rouge. Il n’osa le refuser, et il plaça ce signe avili, sur une tête dépouillée du diadême, Il a rapporté depuis, qu'au milieu de ce tumulte , il avait oublié de l’ôter, quoiqu'il pût le faire sans danger. Mais rien ne put lui arracher la promesse de révoquer son veto. Il touchait les cœurs par une bonté familière, et chacun s'étonnait d’avoir cru voir en lui un ennemi