Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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du peuple. Louis n’était jamais mieux que lorsque rien ne rap? pelait qu’il était roi; on eût dit qu’il n'existait plus nul souvenir du trône, ni de la part de celui qui l’occupait, ni de la part de ceux qui venaient en ternir toute la splendeur.

Le souvenir de la scène du 5 octobre donnait de vives inquiétudes sur le sort de la reine : elle voulait rester auprès de son époux; il la conjura de se retirer dans ses appartemens. Madame Elizabeth l'y avait suivie, et parut la première aux yeux de la multitude. On la prit pour la reine ; on la chargea d’invectives et de menaces; tout annonçait du péril pour ses jours.

La sœur de Louis ne voulut point dissiper une méprise qui mexposait qu’elle ; elle se trouvait heureuse par ses propres dangers, de détourner ceux de la reine. Âvertie de cette scène alarmante, celle-ci accourut, et se présenta à la multitude. L’effervescence était déjà calmée ; soit que le généreux dévouement de madame Elizabeth eût jeté dans les ames de l’attendrissement et de l’admiration, soit que le peuple craïgnit ses propres excès. Santerre s’approcha de la reine, et l'assura qu'aucun danger n’était à craindre pour elle, däns une journée que le peuple avait choisie pour avertir, et non pour frapper.

Lorsque l’assemblée nationale fut instruite que la foule occupait les appartemens du roi, elle nomma une commission pour s’y transporter, et prévenir des malheurs qu'on commencçait à craindre. Vergniaud et Isnard étaient au nombre des commissaires; ils eurent beaucoup de peine à traverser la multitude et à s’en faire entendre. Ils trouvèrent le roi assis auprès d'une table, autour de laquelle venaient boire des hommes déjà enivrés; il était calme au milieu de ce tumulte. : Jis lui témoignèrent le dévouement de l'assemblée nationale. Eouis répondit qw’il était sensible à cette sollicitude; mais qu'il, ne craignait rien, entouré du peuple français. Un garde national s’approcha de lui, comme pour le rassurer sur ses dangers; Louis prit sa main, et la mettant sur son cœur : Voyez, dit-il, si c’est [à le mouvement d’un eœur agité par la crainte. Cependant Vergniaud n’était pas sans inquiétude. Il entendait quelques provocations sanguinaires, et voyait dans la foule une effervescence dangereuse. Il voulut parler , on ne se montrait point disposé à l'écouter; il fut obligé de monter sur les épaules d’un homme pour se faire entendre. Sa harangue amena le peuple à une singulière réflexion; chacun se répétait: que venons-nous faire ici? L’incertitude et l’irrésolution les avaient déjà fatigués et vaincus, lorsque le maire de Paris, Pétion , se présenta. Il fut accueilli par tous les signes de faveur et de respect. « Peuple, s’écria-t-il, tu viens de te montrer digne de