Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

LEGISLATIVE. 253

Pendant entre eux une émulation à qui porterait les coups les plus terribles à la royauté. Les girondins voulaient y procéder par des lois telles que les demandent, ou paraissent les demander, les circonstances difficiles. Les jacobins voulaient y arriver par un mouvement populaire, plus terrible que celui du 14 juillet. Ils secondaient les mesures de leurs rivaux, parce qu’elles avançaient l'exécution de leurs desseins. Un travaillait, de ces deux côtés, à répandre dans les esprits une sombre exaspération. L'assemblée rendit un décret propre à produire ce résultat. La patrie fut déclarée en danger ; ces terribles mots retentirent avec fracas d’un bout de la France à l’autre. L’anarchie pénétra dans des lieux où elle n'avait pu encore s’éta-, blir. Le peuple comprit, et les législateurs ne dissimulaient pas eux-mêmes qu’une déclaration si effrayante avait moins de rapport aux circonstances extérieures qu'aux divisions des deux premières autorités.

La guerre se continua avec lenteur et avec faiblesse ; l'Autriche était à peine en mesure de se défendre dans les PaysBas, si elle avait eu à combattre des armées plus exercées. Le général Lukner, qui avait pris le commandement de l’armée du Nord , avait d’abord obtenu un succès trop facile pour être glorieux. Il s’était emparé des villes d’Ypres, Menin et Courtray ; dans le moment où on croyait qu’entré dans la Belgique, il parviendrait aisément à la soulever , il évacua subitement ces trois villes. Sa position militaire pouvait l'exiger, mais comme il n’avait point été attaqué, on jugea, et le fait était vrai, que la cour avait donné l’ordre de la retraite. On vit surtout une perfidie profondément combinée, dans l’action d’un officier supérieur de cette armée, nommé Jarry, qui, en évacuant Courtray , et suivi de près par l’ennemi, avait fait mettre le feu à un faubourg de cette ville. On ne douta point que cette barbarie , destituée de tout prétexte, n’eût eu pour motif d’indisposer contre nous le peuple belge,

Mais ce qui rendait les dangers plus pressans, c'était l'approche d’une formidable armée prussienne, commandée par Fréderic-Guillaume, et par le duc de Brunswick : on l’évaluait à soixante-dix mille hommes; elle présentait la cavalerie la plus redoutable qui eût encore paru. De nombreuses légions d’émigrés marchaient avecelle; un corps d’armée autrichienne de quinze mille hommes devait la seconder. On citaitplusieurs chefs dont les talens militaires s'étaient déjà exercés contre les Français, dans la guerre de sept ans. Le roi avait donné avis de cette marche à l'assemblée, et l’on ne pouvaitse dissimuler que rien n’était encore préparé pour arrêter ce torrent ; les jacobins se gardaient bien d’affaiblir l'image des dangers. Ils ajoutaient que le plus cruel de tous était la perfidie d’une eour qui dirigeait elle-même des ennemis si formidables.