Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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disposer : nous leur enleverons les fédérés et les marseillais dont on annonce l’arrivée, comme nous leur avons enlevé le peuple, et nous occuperons ceux-ci de mouvemens incertains et tumultueux, dont les résultats ne seront jamais à craindre pour la cour.

C'était parde tels artifices que ces hommes perfides voilaiént la profondeur de leurs complots, aux yeux de ceux dorit ils avaient juré la mort. Dansl’épuisement même dela listecivile, ils obtenaient encore des sommes considérables. On ignore st leur cupidité leur permettait d’en faire servir une partie aux besoins les plus urgens de leur faction : on ignore aussi s’ils avaient concerté ces manœuvres avec Robespierre. Le carac1ère farouche de celui-ci, et son affectation de désinterressement pouvaient y répugner; cependant ce jeu cruel pouvait réjouir son ame atroce.

Les girondins, qui avaient mis en avant l'idée de la déchéance, et qui avaient employé toute la véhémence et toute Yhabileté deleursmoyens à familiariser l’assemblée avec cette mesure , s’effrayèrent du plan de Robespierre. On vit avec étonnement Brissot se présenter à la tribune, pour demander que cette discussion fût traitée avec calme et maturité. Il té moignait du repentix et de l'incertitude ; il combattait direc- : tement les jacobins dans le plan qu'ils venaient d'adopter ; il dévoilait plusieurs de leurs pensées secrètes. Ce discours suffit pour manifester tout l'éloignement des girondins pour Vinsurrection proposée; et si, depuis, on les a vu réclamer cette journée, comme leur propre ouvrage, on ne doit l’attribuer qu’au danger de leur position vis-à-vis les jacobins, et peutêtre aussi à cette vanité qui attache du prix à toute espèce de victoire. Il est important de faire connaître avec quelle redoutable adresse Vergniaud fit naître la question de la déchéance du roi. Je transcris une partie de son discours.

« Je vous demande maintenant, disait-il, ce qu’il fautentendre par un acte formel d'opposition. La raison dit que c'est Vacte d’une résistance proportionnée, autant qu'il est possible, au danger, et fait dans un temps utile, pour pouvoir l’éviter. Par exemple , si dans la guerre actuelle, cent

-mille Autrichiens dirigeaient leur marche vers la Flandre, ou cent mille Prüssiens vers l'Alsace, et que le roi, qui est le chef suprême de la force publique, n’opposât à chacune de ces redoutables armées, qu'un détachement de dix ou vingt mille hommes , pourrait-on dire qu’il a employé les moyens de résistance convenables, qu’il a rempli le vœu de la constitution , et fait l'acte formel qu’elle exige de lui ?

» Si le roi, chargé de veiller à la sûreté extérieure de Pétat, de notifier au corps - législatif les hostilités imminentes ; ins